dimanche 31 mai 2015

Bilan

Chaque élève de la classe a rédigé un bilan personnel de son expérience du projet. Voici quelques uns de ces textes ou extraits.

Créer notre représentation du monstre

C’est le vendredi 24 avril au Lycée Bayen que nous avons présenté devant une salle comble notre spectacle de théâtre d’ombres. Pendant des mois nous avions approfondi le sujet du monstre qui devait être notre fil directeur tout au long de la soirée.  Notre classe de seconde a pu étudier ce sujet dans différentes matières, comme le français et l’anglais.  En septembre, notre professeur principal, Mr Gauthier, nous a annoncé que nous participerions au PAG, projet d’aide globalisé, afin de présenter en fin d’année le résultat de ces mois d’investissement.  

Nous avons d’abord pu, en français, dissocier les définitions du sujet « monstre ». Il existe des monstres physiques et psychiques. Nous avons beaucoup travaillé sur son rôle dans l’inconscient, sur sa place dans le monde du rêve et de la poésie, avec notamment la diffusion du film La Belle et la Bête de Jean Cocteau. Ce film en noir et blanc datant de 1946 reprend le conte publié en 1757. Il illustre parfaitement l’idée que le monstre devient un outil pour révéler notre propre monstruosité. C’est le fruit de notre imagination. A l’instar de Cocteau qui utilise le noir et blanc pour sublimer les personnages, ce film nous a permis de mieux réfléchir sur la façon dont nous allions utiliser le théâtre d’ombres pour illustrer le thème. Nous avons peu après visionné des extraits du spectacle de marionnettes de Charleville Mézières, et je crois que c’est véritablement en janvier que j’ai pu saisir le spectre de notre spectacle, en m’aidant des archives de celui de l’année dernière.  Mais j’avais encore quelques doutes sur la façon dont la magie propre à ce genre de représentation allait s’opérer avec des éléments aussi sommaires que du carton et des bouts de ficelles. Fin mars, nous sommes allés voir le dernier spectacle du célèbre ombromane et illusionniste Philippe Beau,  artiste associé à la Comète.  Cette soirée envoûtante et fantasmagorique a, malgré quelques longueurs, su nous insuffler l’énergie créative qui nous manquait, une nouvelle perspective dans la finalité de notre travail. Armé uniquement de ses mains, l’artiste a déployé sous nos yeux un univers aussi bien féerique qu’enfantin. En  janvier nous avions débuté la rédaction de nos « story-board », d’abord résumés, puis écrits de bout en bout avec les dialogues et les didascalies.  Ce travail de groupe nous permit de mieux réaliser quel serait le fond de notre création, car nous avions désormais une idée de la forme. Et si ce n’est de façon harmonieuse, du moins nous avons su équitablement réunir nos idées.  Le plus difficile fut de créer un lieu et des personnages aussi bien simples que riches visuellement.  L’histoire dut être épurée plusieurs fois.  J’ai apprécié tout particulièrement ces moments d’échanges, tant avec notre groupe qu’avec les autres, et je pense qu’une telle symbiose autour de ce projet ne fut jamais aussi forte que lors de l’écriture à trois ou quatre de ce qui devrait être notre représentation du monstre. Le sujet, qui pouvait être très évasif ou très littéral,  nous permit de choisir totalement notre ligne de conduite.  Puis nous avons appris ce dialogue après nous avoir attribués les rôles, et nous avons « joué » la scène de façon assez sommaire devant la classe.  Le but de cette mise en scène était pour moi de « lisser » le texte, c'est-à-dire de gommer les imperfections illisibles mais audibles.
 Ainsi, avant la dernière semaine qui devait concrétiser ces mois d’études, nous avons pu découvrir et comprendre le sujet, « les monstres » afin de nous l’approprier. J’ai particulièrement aimé les moments de partage autour du sujet que ce soit avec la classe ou avec notre groupe. Mais j’ai parfois regretté l’aspect trop théorique que prenait le sujet, nous éloignant de l’idée principale. Je comprends toutefois que ces approches ont été le moyen pour nos professeurs d’intégrer le sujet à leur programme.

Notre professeur a dû découper la semaine qui se déroulait du 20 au 24 avril suite à un problème d’emploi du temps. Le 7 avril nous avons rencontré André Parisot, créateur de la Boite Noire, compagnie de marionnettes. Durant la journée nous lui avons présenté nos textes joués sur scène.  Deux semaines plus tard, le 21 avril, nous débutions notre semaine banalisée. Après avoir découpé nos formes dans du carton rigide, notre groupe a pu, comme les autres, passer devant Mr. Parisot. Ce moment fut très intéressant, chaque groupe pouvant découvrir en même temps que les professeurs son travail. Je ne pensais pas ce travail de mise en scène si minutieux.  A l’aide de baguettes, nous déplacions les personnages et les lieux derrière les panneaux entoilés. Rien ne fut laissé au hasard,  les éclairages étaient rigoureusement éteints et rallumés au moment juste. Mr Parisot nous montra comment animer nos personnages en les manipulant selon leurs actions. Cette année, certains groupes travaillèrent sur trois panneaux de toile tendue, afin d’abréger au maximum les pauses entres les scènes.  Le tout fut enjolivé par de la musique, et des jeux de lumières. Nous avons parfois utilisé notre propre corps pour jouer une scène. Tout en étant le plus attentif possible, il fallait surtout veiller à « disparaître » de la scène, à ne plus exister que par notre main qui guidait les personnages, en excluant tous les bruits ou mouvements parasites. Les formes prenaient vie de la même façon que le pantin de bois se transformait en Pinocchio. 

Le vendredi 24 avril, après une répétition générale assez catastrophique, que Mr Parisot attribua à l’anxiété, nous avons accueilli les spectateurs vers 19h. Deux élèves prononcèrent un discours de remerciement, tout en expliquant brièvement notre travail. Les groupes attendaient leur tour en file le long des gradins. Le tout avait un air de sentence irrévocable : plus le nombre de personnes devant nous diminuait, plus nous savions notre tour proche. C’était assez inquiétant et excitant. Nous connaissions les scènes des autres groupes par cœur, mais j’eu l’impression de les redécouvrir en même temps que les spectateurs. Et à mesure que les élèves disparaissaient de l’autre côté de la salle, je réfléchissais sur le but premier de cette expérience. Je crois que plus que leurs applaudissements, j’ai apprécié des spectateurs de pouvoir les observer, regardant la représentation, réagissant là où il fallait réagir, parfois riant là où il aurait fallu se taire, et vice versa.  Notre groupe passait en dernier, et nous avons eu un public assez agréable. Contrairement à la répétition, il n’y eut aucune fausse note. Nous avons salué le public, et nous avons pu profiter de l’apéritif que nous avions organisé.

Ainsi se termina ce nouveau projet PAG, auquel j’ai eu globalement la joie de participer.  Avec l’aide de nos professeurs, nous avons pu laisser libre cours à notre imagination sur un sujet bien choisi. J’ai pu découvrir un nouvel art de la scène assez méconnu, alors même que la capitale de la marionnette, Charleville-Mézières, est dans la région. Ces recherches furent très enrichissantes, et je regrette que notre travail soit peu connu dans Chalons, de même que les projets PAG en général, puisque je ne connaissais pas l’éventualité pour moi de rentrer dans une classe avec un tel projet. Notre blog, qui présente notre activité tout au long de l’année, est très documenté, et rassemble le fruit de notre travail. J’encourage bien évidemment les professeurs concernés à maintenir ce projet l’année prochaine, en espérant qu’il soit toujours possible de le réaliser dans les années futures.
 
Héloïse  CHEVALIER
 

vendredi 22 mai 2015

L'Hebdo du vendredi, article publié le 3 avril 2015
Du design au théâtre, il n’y a qu’un pas...de géant !
Avant d’être directeur artistique de La Boîte Noire, la compagnie de théâtre d’objets et de marionnettes qu’il a créée il y a bientôt 25 ans, André Parisot était designer. Rencontre avec un passionné de l’image qui présente le spectacle « Les derniers géants » dans le cadre du festival Méli-Môme qui se déroule jusqu’au 8 avril.

En 1989, André Parisot a quitté son poste de designer pour créer la compagnie de théâtre d'objets et de marionnettes La Boîte Noire.

En 1989, André Parisot a quitté son poste de designer pour créer la compagnie de théâtre d'objets et de marionnettes La Boîte Noire. (© l'Hebdo du Vendredi)
Tout quitter du jour au lendemain pour vivre sa passion. C’est ce qu’a fait André Parisot à la fin des années 80. Designer chez Electrolux, il envoie valser les gazinières, réfrigérateurs et autres appareils électroménagers pour se consacrer à une mécanique plus subtile et expressive : celle des marionnettes. « Je ne me sentais plus à l’aise avec le métier et surtout avec le marketing. J’ai eu envie de rencontrer le spectateur avec de vraies raisons, de vrais actes pour partager ma vision du monde, sans aucune prétention », explique celui qui est aujourd’hui directeur artistique de la Cie La Boîte Noire. Un rêve éveillé. « On peut avoir la tête dans les nuages, mais on reste aussi les pieds dans la réalité. Une compagnie, c’est aussi une entreprise ».

Une vingtaine de spectacles à son actif

Lorsqu’il décide de créer sa propre compagnie de théâtre d’objets et de marionnettes, ce n’est pas un hasard puisqu’il pratique déjà le théâtre amateur depuis de nombreuses années, en parallèle de son activité de designer. « Ça a peut-être à voir avec mon métier précédent, par rapport à l’histoire que peut raconter un objet. Quand je conçois un spectacle, ça commence toujours par des images ». Tout débute donc avec des croquis, un storyboard puis c’est la marionnette qui prend vie dans la tête d’André Parisot avant d’être fabriquée à la main par cet artiste-artisan du spectacle. Elles sont généralement en bois ou en pâte à papier, avec un corps articulé grâce à des ficelles ou du cuir. D’ailleurs, sa maison est remplie de personnages et d’objets prêts à s’animer pour nous raconter leur histoire, comme autant de souvenirs de spectacles passés ou à venir. « Il y a une force qui émane d’une marionnette lorsqu’elle est bien manipulée. Il y a une vraie présence qui tient presque de l’envoûtement ».
Aujourd’hui, la compagnie a une vingtaine de spectacles à son actif qui tournent dans la région, en France mais aussi pour quelques-uns à l’étranger : Québec, Maroc, Tunisie, Slovaquie. Certains sont adaptés de textes de Georges Perec, d’Oskar Panizza ou de l’opéra de Bizet tandis que d’autres sont de véritables créations. Mais ce qu’André préfère par dessus tout, ce sont les spectacles sans paroles. « Le visuel, c’est quelque chose qui me poursuit ». Dans une région qui abrite l’institut international de la Marionnette, on sait que cette discipline ne se cantonne pas à la jeunesse. Mais s’il avait quelques réticences au début, travailler pour le public de la petite enfance s’est finalement avéré très enrichissant. « C’est une ambiance très particulière, ça passe par le regard. Ce qui est drôle, ce sont les séances tous publics où les parents viennent avec leurs petits sur les genoux. Il y a des échanges qui se créent».

Un cabinet de curiosités sur les géants

Alors forcément, la Boîte Noire fait régulièrement partie de la programmation du festival Méli’Môme. Pour sa treizième participation, la compagnie présentera cette année un spectacle construit comme un cabinet de curiosité, Les derniers géants, créé avec la MJC intercommunale d’Aÿ, celle-là même qui a vu naître la compagnie. Le livre de François Place raconte l’histoire d’Archibald Léopold Ruthmore, un riche savant qui achète une dent de géant qui va le conduire jusqu’au pays des géants. A son retour, il rencontre le succès et rédige des ouvrages encyclopédiques, des dictionnaires linguistiques, participe à des conférences... Mais lors d’une deuxième expédition, il découvre que de faux explorateurs ont pillé l’endroit et détruit cette civilisation. En proie à la culpabilité, Archibald Léopold Ruthmore abandonne ses biens et décide de devenir matelot. Il y a deux ans, André a eu envie de monter cette histoire, mais sans jamais montrer les géants. « J’ai voulu travailler sur le récit sans être dans un rapport théâtral ». D’où le choix de cette forme artistique qui se présente comme un récit de voyage où le spectateur est invité à se promener dans le cabinet de curiosités d’Archibald Léopold Ruthmore. Neuf objets sont présentés : la dent de géant, un iconoscope qui nous entraîne sur le fleuve noir, dans la jungle, un traducteur neumatique qui décrypte le langage des géants, un dermovisiographe, un rocher, un oscillogramme à pendularité verticale et positionnement abatiquo-cinétique... Pour comprendre tous ces objets, deux guides animent l’exposition. André y interprète André Robinson, petit-fils de la gouvernante d’Archibald.
Festival Méli'Môme jusqu'au 8 avril.
    
Repères
André Parisot naît en 1953 dans la petite ville de Neufchâteau, dans les Vosges. En 1971, il commence des études artistiques aux Beaux-arts de Reims. Après un an de service militaire, il intègre, en 1977, l’entreprise Electrolux en tant que designer. Il est chargé de la conception esthétique des appareils électroménagers. Il y travaillera pendant quinze ans mais la prépondérance du marketing le poussera finalement à démissionner pour embrasser une toute autre carrière dans le milieu artistique. Il crée alors la compagnie de théâtre d’objets et de marionnettes La Boîte Noire, en 1989. Les spectacles vont s’enchaîner sous sa direction artistique : Le capitaine Pic ou le triomphe du règlement (1990), Quel petit vélo à guidon chromé au fond de la cour ? (1991), L’œil de la baleine (1991), Espèces d’espaces (1992)... Jusqu’à aujourd’hui avec Les derniers géants (2013), présenté dans le cadre du festival Méli’Môme. Le prochain spectacle ? Une petite forme autour du Guignol de Jacques Prévert.