Maquette de l’affiche de La Belle et la Bête – Jean-Denis
Malclès, 1945 © ADAGP, Paris 2013, exposition Jean Cocteau et le
cinématographe, La cinémathèque française
La
Tribune des lycéens
13
novembre 2014
CINÉZOOM
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LA
BELLE ET LA BÊTE N’ONT PAS PRIS UNE RIDE
70 ans après sa sortie en 1946 La Belle et
la Bête, le chef-d’oeuvre de Jean Cocteau, nous fascine toujours autant. La
réécriture cinématographique du conte de Mme de Beaumont plonge le spectateur
dans un rêve éveillé, où l’irréel et le réel se confondent. Servi par les
subtils éclairages d’Henri Alekan, le film questionne les apparences et la
monstruosité et fait dialoguer l’innocence et le désir.
La Belle et la Bête présente une dimension
onirique qui transcende les époques et les styles. Les trucages malicieux
utilisés par Cocteau, que ce soient les bras-chandeliers qui bougent tout seuls
ou encore les portes qui s’ouvrent d’elles-mêmes, nous transportent dans un
monde irréel où le temps ne semble pas s’écouler. Jean Marais et Josette Day
nous emmènent avec eux dans un univers où la magie, le rêve et la sensibilité
prédominent, dans un univers qui année après année ne vieillit pas.
Les effets de lumière manipulés de façon
prodigieuse par Henri Alekan sont d’une incroyable magnificence. Les acteurs et
les décors sont sublimés par ses clairs-obscurs, il suffit de voir la beauté du
visage de la Belle. Mais ces jeux de lumière n’ont pas qu’une valeur
esthétique. Ils sont mis au service du film et font partie de son écriture
même. Ils symbolisent la différence entre la Belle et la Bête. Tout ce qui
concerne la Bête, que ce soit l’intérieur du château ou la Bête elle-même,
baigne dans des teintes sombres, alors que Belle est toujours accompagnée d’une
lumière blanche, presque immaculée. Ces jeux de lumière caractérisent donc
l’opposition entre un monde irréel et réel, entre le désir et la pureté.
Derrière son image de conte pour enfants, le
film de Cocteau est une réflexion sur l’image du monstre. Il s’interroge sur la
nature de la monstruosité. La monstruosité est-elle forcément physique ou peut
elle être plus subtile ? Malgré sa beauté apparente, Avenant cache en lui
un être violent, arrogant, égoïste, prêt à brusquer Belle pour assouvir ses
désirs. Ne serait-ce pas lui, le monstre ? Car derrière sa laideur, la
Bête est un homme prévenant, gentil et qui, même s’il brûle de passion pour
Belle, ne franchira jamais la ligne.
Le film étant sorti à l’époque de la découverte
des camps de concentration et du procès de Nuremberg, on peut en sentir
l’influence. Cocteau a été marqué par la
monstruosité de l’époque et il réfléchit à la vraie nature du monstre. Même si
le film date de1946, la question des apparences et du monstre reste un sujet
d’actualité.
Jean Cocteau a réalisé un film rempli de
poésie, de beauté, de magie, et qui si vous vous laissez porter vous
charmera et vous entraînera dans un
autre monde le temps d’une heure et demie.
PLUME
(alias Clara Meyer, 2nde 2)