Créer notre représentation du monstre
C’est le vendredi 24 avril au Lycée Bayen que nous avons
présenté devant une salle comble notre spectacle de théâtre d’ombres. Pendant
des mois nous avions approfondi le sujet du monstre qui devait être notre fil
directeur tout au long de la soirée.
Notre classe de seconde a pu étudier ce sujet dans différentes matières,
comme le français et l’anglais. En
septembre, notre professeur principal, Mr Gauthier, nous a annoncé que nous
participerions au PAG, projet d’aide globalisé, afin de présenter en fin
d’année le résultat de ces mois d’investissement.
Nous avons d’abord pu, en français, dissocier les
définitions du sujet « monstre ». Il existe des monstres physiques et
psychiques. Nous avons beaucoup travaillé sur son rôle dans l’inconscient, sur
sa place dans le monde du rêve et de la poésie, avec notamment la diffusion du
film La Belle et la Bête de Jean Cocteau. Ce film en noir et
blanc datant de 1946 reprend le conte publié en 1757. Il illustre parfaitement
l’idée que le monstre devient un outil pour révéler notre propre monstruosité.
C’est le fruit de notre imagination. A l’instar de Cocteau qui utilise le noir
et blanc pour sublimer les personnages, ce film nous a permis de mieux
réfléchir sur la façon dont nous allions utiliser le théâtre d’ombres pour
illustrer le thème. Nous avons peu après visionné des extraits du spectacle de
marionnettes de Charleville Mézières, et je crois que c’est véritablement en
janvier que j’ai pu saisir le spectre de notre spectacle, en m’aidant des
archives de celui de l’année dernière. Mais j’avais encore quelques doutes sur la
façon dont la magie propre à ce genre de représentation allait s’opérer avec
des éléments aussi sommaires que du carton et des bouts de ficelles. Fin mars,
nous sommes allés voir le dernier spectacle du célèbre ombromane et
illusionniste Philippe Beau, artiste
associé à la Comète. Cette soirée envoûtante
et fantasmagorique a, malgré quelques longueurs, su nous insuffler l’énergie
créative qui nous manquait, une nouvelle perspective dans la finalité de notre
travail. Armé uniquement de ses mains, l’artiste a déployé sous nos yeux un
univers aussi bien féerique qu’enfantin. En
janvier nous avions débuté la rédaction de nos « story-board »,
d’abord résumés, puis écrits de bout en bout avec les dialogues et les
didascalies. Ce travail de groupe nous
permit de mieux réaliser quel serait le fond de notre création, car nous avions
désormais une idée de la forme. Et si ce n’est de façon harmonieuse, du moins
nous avons su équitablement réunir nos idées. Le plus difficile fut de créer un lieu et des
personnages aussi bien simples que riches visuellement. L’histoire dut être épurée plusieurs fois. J’ai apprécié tout particulièrement ces
moments d’échanges, tant avec notre groupe qu’avec les autres, et je pense
qu’une telle symbiose autour de ce projet ne fut jamais aussi forte que lors de
l’écriture à trois ou quatre de ce qui devrait être notre représentation du
monstre. Le sujet, qui pouvait être très évasif ou très littéral, nous permit de choisir totalement notre ligne
de conduite. Puis nous avons appris ce
dialogue après nous avoir attribués les rôles, et nous avons « joué »
la scène de façon assez sommaire devant la classe. Le but de cette mise en scène était pour moi
de « lisser » le texte, c'est-à-dire de gommer les imperfections
illisibles mais audibles.
Ainsi,
avant la dernière semaine qui devait concrétiser ces mois d’études, nous avons pu
découvrir et comprendre le sujet, « les monstres » afin de nous
l’approprier. J’ai particulièrement aimé les moments de partage autour du sujet
que ce soit avec la classe ou avec notre groupe. Mais j’ai parfois regretté
l’aspect trop théorique que prenait le sujet, nous éloignant de l’idée principale.
Je comprends toutefois que ces approches ont été le moyen pour nos professeurs
d’intégrer le sujet à leur programme.
Notre professeur a dû découper la semaine qui se déroulait
du 20 au 24 avril suite à un problème d’emploi du temps. Le 7 avril nous avons
rencontré André Parisot, créateur de la Boite Noire, compagnie de marionnettes.
Durant la journée nous lui avons présenté nos textes joués sur scène. Deux semaines plus tard, le 21 avril, nous
débutions notre semaine banalisée. Après avoir découpé nos formes dans du
carton rigide, notre groupe a pu, comme les autres, passer devant Mr. Parisot.
Ce moment fut très intéressant, chaque groupe pouvant découvrir en même temps
que les professeurs son travail. Je ne pensais pas ce travail de mise en scène
si minutieux. A l’aide de baguettes,
nous déplacions les personnages et les lieux derrière les panneaux entoilés.
Rien ne fut laissé au hasard, les
éclairages étaient rigoureusement éteints et rallumés au moment juste. Mr
Parisot nous montra comment animer nos personnages en les manipulant selon
leurs actions. Cette année, certains groupes travaillèrent sur trois panneaux
de toile tendue, afin d’abréger au maximum les pauses entres les scènes. Le tout fut enjolivé par de la musique, et des
jeux de lumières. Nous avons parfois utilisé notre propre corps pour jouer une
scène. Tout en étant le plus attentif possible, il fallait surtout veiller à « disparaître »
de la scène, à ne plus exister que par notre main qui guidait les personnages,
en excluant tous les bruits ou mouvements parasites. Les formes prenaient vie
de la même façon que le pantin de bois se transformait en Pinocchio.
Le vendredi 24 avril, après une répétition générale assez
catastrophique, que Mr Parisot attribua à l’anxiété, nous avons accueilli les
spectateurs vers 19h. Deux élèves prononcèrent un discours de remerciement,
tout en expliquant brièvement notre travail. Les groupes attendaient leur tour
en file le long des gradins. Le tout avait un air de sentence
irrévocable : plus le nombre de personnes devant nous diminuait, plus nous
savions notre tour proche. C’était assez inquiétant et excitant. Nous
connaissions les scènes des autres groupes par cœur, mais j’eu l’impression de
les redécouvrir en même temps que les spectateurs. Et à mesure que les élèves
disparaissaient de l’autre côté de la salle, je réfléchissais sur le but
premier de cette expérience. Je crois que plus que leurs applaudissements, j’ai
apprécié des spectateurs de pouvoir les observer, regardant la représentation,
réagissant là où il fallait réagir, parfois riant là où il aurait fallu se
taire, et vice versa. Notre groupe
passait en dernier, et nous avons eu un public assez agréable. Contrairement à
la répétition, il n’y eut aucune fausse note. Nous avons salué le public, et
nous avons pu profiter de l’apéritif que nous avions organisé.
Ainsi se termina ce nouveau projet PAG, auquel j’ai eu
globalement la joie de participer. Avec
l’aide de nos professeurs, nous avons pu laisser libre cours à notre
imagination sur un sujet bien choisi. J’ai pu découvrir un nouvel art de la
scène assez méconnu, alors même que la capitale de la marionnette,
Charleville-Mézières, est dans la région. Ces recherches furent très
enrichissantes, et je regrette que notre travail soit peu connu dans Chalons, de
même que les projets PAG en général, puisque je ne connaissais pas
l’éventualité pour moi de rentrer dans une classe avec un tel
projet. Notre blog, qui présente notre activité tout au long de l’année,
est très documenté, et rassemble le fruit de notre travail. J’encourage bien
évidemment les professeurs concernés à maintenir ce projet l’année prochaine,
en espérant qu’il soit toujours possible de le réaliser dans les années
futures.
Héloïse CHEVALIER
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